08/03/2015

Une histoire de couleurs et de corps / About colors and bodies [EDIT]

En bonne jeune femme ouverte et éduquée, je me complais pas mal à me dire que je ne suis pas raciste, que tous les corps sont beaux et que le monde à travers mon prisme pompeux de bobo parisienne peut être apprécié par tous ses aspects pour qui sait regarder correctement.

Seulement voilà. Quand je dessine, j'ai des réflexes. Et pas sûre qu'ils reflètent bien cet état d'esprit.

Déjà, et pour ceux qui ont pu me suivre depuis quelques années ce ne sera pas une surprise, j'aime dessiner les femmes. J'aime les corps féminins, j'aime m'abreuver de photos de femmes de tous horizons et de toutes morphologies, et ces corps viennent plus facilement sous ma plume ou mon stylo.

Et quand j'ai besoin de me détendre, de me focaliser sur autre chose qu'un problème personnel, je me mets une série ou une vidéo Youtube en fond sonore et je me concentre sur le premier dessin qui sort de mon crayon.

Jusque là rien de bien méchant me direz-vous.

Sauf que... Récemment, après un encrage en bonne et due forme, je m'apprête à mettre en couleur le dessin suivant.

I like to consider myself as an open-minded, well educated woman, So I also like thinking that I'm a non racist person, that every body is a beautiful thing and that the world can be fully appreciated by anyone who watches it correctly. You know, basic parisian shitty "I'm an intellectual" attitude.

Well, the sad thing is that... When I draw, I have some reflexes. And I'm not sure those reflexes truly concur with those pretty ideas.

For those who know me for a while now, it's no surprise that I love drawing women. I love women bodies, I love collecting pictures of women from all around the world with different body types and it's easier for me to draw them, it juste comes naturally.

And when I want to endulge myself some rest, or just focus on something else than a personal problem, I just put some TV or YT show on my computer and start automatically drawing.

Well nothing to fuss about, right ?

Except that... Couple of days ago, I was just about to put some colors on the following drawing...




Une nana comme j'en ai dessiné tant d'autres. Le truc c'est que je ne suis pas chez moi au moment de ce dessin, que la qualité du papier sur lequel j'ai dessiné laisse à désirer, que les couleurs de mes feutres fusent dessus, et que j'aime bien ce dessin en fait, j'aimerais le mettre en couleur "correctement". Qu'à cela ne tienne, je le scannerai à mon retour chez moi.

Hier soir, ça faisait une dizaine de jour que j'avais laissé ce dessin posé sur un coin de ma table, avec la série qui l'accompagnait dont je parlerai plus tard et j'ai donc commencé mon travail de scan guillerette.

Sauf qu'avant de commencer cette mise en couleur, je suis frappée par ce que je m'apprête à faire. En gros, reprendre là où je m'étais arrêtée et poursuivre la mise en couleur telle que je me l'étais imaginée au moment de mon encrage : une femme rousse, blanche, habillée de vert.

Alors pour la petite parenthèse, ce dessin était un dessin automatique, il n'empêche que j'ai dessiné et imaginé une femme pour moi désirable, le stéréotype même de la bombasse rouquine qui fait tant saliver.

Et ça m'a énervée, genre VRAIMENT. D'emblée au moment de ma mise en couleur je me mettais des barrières dans les possibles d'expression de la beauté. Mon idée d'une illustration de la femme fatale et désirable, c'était un énième clone de Jessica Rabbit, la solution de facilité en gros. Alors que dans la vie, je suis attirée par des personnes aux physiques et ethnies très variés puisque j'aime une personnalité avant un physique (même si sans me mentir, certains corps font surgir mon désir, comme beaucoup d'entre nous).

Et comme j'aime contredire un peu tout le mode et moi la première, je fais un autre choix de palette, juste pour voir...

Just some random girl Like many other ones I drew until now. The thing is that, since I was not at my house when I drew this and didn't have the right material to do the colouring and since I actually kind of liked this drawing, I chose to postpone the colours a little.

So here I was, last night, with this illustration and the other ones (which I'm going to talk about later on that post) I made ten days ago, just waiting for me to scan them, which I gladly do.

But, as soon as I open the file on photoshop, something strikes me. I just wanted to give this woman the colours I had in mind when I drew her : a red head white woman dressed in green.

So just to be clear. this was an automatic drawing, but the fact is, I automatically drew some attractive woman to me and she was a stereotype of the hot red head the world like to salivate on.

And I just got SO angry at myself. Just with this idea of coulors I was diving first head into the cliché of beauty, narrowing my possibilities of expressing it. I was actually going to make yet another boring copycat of Jessica Rabbit, just following the easy way. Which is just absurd since in real life, I'm attracted to a myriad of different women, with various body types and of every origin possible. I just fall in love wuth the personality rather than the physic appearance (even though I'm aware of the effects of an attractive body to me like a lot of us, let's be honest).

Here is the other thing, I like contradictions. Especially with myself, so I just make an experience with another set of colours, distinct from the first one I had in mind.


Et ben vous savez quoi? Je préfère ce résultat à celui de mon idée de départ. Comme quoi ça ne tient pas à grand chose de se surprendre encore.

Well you know what? I prefer this result so much over the original idea! Glad to see I can still surprise myself in the good way.


Mais l'histoire ne s'arrête pas là, on va revenir au soir de l'encrage.

Je me suis aussi énervée contre moi-même ce soir-là. Mon réflexe pour détendre mes mains mon esprit et mes yeux a été de dessiner une femme aux proportions qui se représentent celles du mannequin qu'on nous sert à toutes les sauces dans les médias. Je ne dis pas que j'ai fait des proportions réalistes par là hein ! Ce n'est pas mon style de dessin si tant est que j'en ai un.

Et encore une fois, j'insiste. Les femmes que je trouve désirables et belles dans la vie courante ont des morphologies bien distinctes.

But this isn't the end of my blabbering, let's go ack to the night I drew this woman, because I actually was also pissed at myself this night actually.

What was my first reflex of drawing ? This mediatically-accepted-as-gorgeous woman. I'm not saying my drawing is a proportion-accurate illustration of a model, but it actually is pretty close to the representation of a traditional model...

Which, again, is just awfully wrong from me, according to my own desires and experiences.


Et dans mes carnets, on en trouve des femmes aux physiques variés, aux ethnies distinctes, mais elle ne me viennent pas automatiquement, je réfléchis un peu plus que pour un dessin de pure détente au moment des les poser sur le papier. Bon pas énormément non plus, mais quand même.

Et ça me saoule.

Ça me saoule parce qu'au quotidien je supplie pour avoir de la représentation plus variée dans tout ce qu'on nous sert, pour éviter aux femmes cette aliénation de leur corps, mais quand je regarde mes carnets, ben proportionnellement, j'ai plus de nanas minces et blanches qu'autre chose. Alors que moi-même je suis métisse ! (Un peu blanche quand même, rapport à mon activité qui impose de travailler devant un ordinateur H24, ma vie à Paris et le viol de péruviens par des espagnols loin, très loin en haut de mon arbre généalogique...)

And when you look at my sketchbook, you find them, these different women, but when I think about it, they're not the result of an automatic drawing process. I had to think them through a little actually. Not a lot, but still.

So it just pisses me off.

It pisses me off even more than any other kind of silly detail about me because I actually ask for more variety in women representation. But the hypocrisy of my demand strikes me when I look carefully at my sketchbook. Even if there is an actual variety, proportionnally, I have drawn a majority of white thin women. Even though I am myself not from a caucasian origin ! (Okay, I have an actual whiter skin than the rest of my family, given the fact that I work in comuter security and I live in Paris and basically never see the sunlight...)


Pire, les divers travaux d'illustration que j'ai pu effectuer au cours de ces dernières années comptaient une large proportions de nanas sortant d'un moule relativement accepté comme la norme du beau.

Bref, j'ai eu deux soirées à pester contre moi-même qui se sont transformées en explorations de formes et de couleurs, un peu bancales mais nécessaires.

Worst thing is that almost every illustration work that I did in those last years had a commonly accepted as beautiful woman in it if there was one in the work I was asked to do.

So I basically got two night of pestering against myself. But I turned them into experiments about shapes and colours. It's a little clumsy but necessary.


Comprenons-nous : je ne dis pas qu'il faut arrêter de dessiner la femme caucasienne, je dis juste qu'il est dommage d'arriver à ce constat : mon réflexe de dessin, quand je ne me dessine pas moi-même, exercice que j'ai délaissé de plus en plus ces dernières années, c'est de choisir la solution de facilité en couchant sur le papier cette femme préconçue, de me brider automatiquement quand je cherche à me détendre.

Je ne dis pas non plus que jusque là je ne dessinais pas des profils variés, ça c'est mon petit ego qui parle pour se dédouaner un peu. Mais qu'en terme de proportion numérale ils étaient en minorité.

Pour résumer : je trouve dommage que ma créativité soit bridée de manière quasi automatique par des idées préconçues et faciles. Mon réflexe, ce n'est pas le hors piste, ce sont des porte fermées. Et c'est ce réflexe qui m’enquiquine.

Just to be clear : I'm not saying that we have to stop drawing caucasian women, I'm just sad to fin out that when I draw out of reflex, to relax myself, my first idea is almost always falling into a ready-made box. I just put barriers to my own creativity by doing that.

And my little ego wants also you to know that I actually drew these diversity of women. But if I'm being honest, it wasn't in a realistic proportion.

So yeah, in a nutshell : we shouldn't let preconceived ideas be the path of our creativity. I want my reflexes to be an intricate mess of different directions, not doors closed by my own narrow-minded horizon. It's really the question of "first idea to pop in my mind" that worries me here.


Et quand j'y pense, cette constatation me ramène à un blocage que je traîne depuis des années maintenant.

J'ai des projets de BD. Pas dans l'ambition d'être éditée ou quoi que ce soit, mais j'ai envie de coucher sur papier certaines de mes histoires. Depuis disons, 6 ans, j'ai en gros 5 histoires que j'estime assez bien pour me lancer dans leur illustration.

Seulement voilà, les scénarii sont écrits pour presque chacune de ces histoires, les personnages et les dynamiques établis mais je bloque, je suis frustrée, je trouve qu'en gros ce que j'ai fait c'est merdique.

Parce qu'en 6 ans j'ai eu le temps de m'éduquer de manière plus poussée vis à vis de mon féminisme, de l'homophobie, du racisme, sexisme, et autres trucs en -isme ordinaires, sujets très liés. ces sujets ont toujours occupé une place centrale dans mon éducation et mes préoccupations mais a ne fait que quelques années que j'ai pu calmer ma colère suffisamment pour réfléchir plus posément et poser les mots sur mon mal-être concernant ces thématiques.

And when I just think about it, this might be the origin of a problem I'm stuck in for a couple of years now.

I have some projects of comics. Nothing ambicious, I don't aim a publication of any kind but I kind of want to put some ideas on paper and develop some graphic novels with it. Let's say in the past 6 years, I have had 5 viable ideas that I really want to try.

Thing is, stories are for the most part written, characters and dynamics are well established, but Im' stuck, frustrated by my own mediocrity. But I couldn't put my finger on why I thought that.

And here is a fact. In the last 6 years, I have grown up, my perception of my own feminism has become clearer, I had the time to educate myself on the topics of ordinary homophobia, ordinary racism, ordinary sexism and other ordinary -ism things. Those topics where at the center of my youth and my education,but it's only been a couple of years since I could finally put some of my anger and resentment aside, just enough to be able to think more and put words on some of what hurt me about those topics.


Et la question de la représentation, je l'avais inconsciemment en tête et elle m'obsédait. Je n'avais juste pas mis les mots dessus. Et c'est difficile de travailler positivement dans une lutte, même modeste, quand on n'a pas posé les mots, les termes et le cadre qui permettent la réflexion et la définition d'un angle "d'attaque".

(Amusant comme le vocabulaire utilisé là provient de la guerre, je suis plus convaincue par les bienfaits de l'éducation que de l'agression...)

The question of representation, I already had it in mind, I was already obssessed with this idea. But back then, I just didn't have the tools to correctly grasp the subject, I didn't have the words. And words are important. Without setting them, you can't define a right direction and set a healthy environment to think.


Enfin bref, j'ai pas encore toutes les solutions mais je pense que je touche à un nœud intéressant de mon blocage et de ma sensation de médiocrité.

Mon personnage le plus dénué de ce problème de représentation jusque là, c'est Océane, que certains d'entre vous connaissent peut-être déjà, c'est marrant parque qu'il m'accompagne depuis mon enfance et n'a pas trop souffert des clichés finalement. Même si je lui ai foutu des seins en grandissant, pour le côté cathartique j'imagine.

Well, to conclude this random note. I don't have every solution, that's for sure, but I think I finally caught an interesting knot to work on and to get through my shitty phase of feeling innacurate.

I actually have a character with its own story that's kind of a first step on fighting for the representation of women. It's funny because it doesn't look any hot or any interesting in a graphic way, but it's actually a character that I've een drawing since I was a kid. She is not this much hurt by clichés since she doesn't even really look like a human.



Enfin bref... Y a plus qu'à !

So let's start moving on !

(Oh et heureux hasard... C'est la Jounée de la Femme en plus, ce post tombe bien!)

(Oh and what a happy coincidence, it's Women Day today, this is a lucky post !)

(Pour ceux que ça intéresse d'ailleurs et sur un autre sujet, un de mes articles sera sur Madmoizelle aujourd'hui, je mettrai le lien plus tard dans la journée !)

Clique ici internaute, c'est un ordre conseil avisé !

(Last comment was on a new article (on a different topic) on a french website that's going to be published today, BUT, french only, sorry.)